Ministère de
l’intérieur
J’ai oublié de
vous parler de mon expérience surprenante au ministère de l’intérieur lors de
ma visite à Port-au-Prince avec mes partenaires il y a trois semaines. Nous nous y sommes
rendus pour y déposer le dossier de projet avec l’espoir d’avoir une réponse
rapide et un entretient éventuel. Nous arrivons dans la cours intérieure de
l’édifice. Un garde de sécurité en complet est assis sur une chaise avec son
gros gun et lit le journal. On m’a recommandé de ne pas le prendre en photo.
Dommage, elle aurait été bonne. Nous sommes entrés à la réception. Des gens
étaient assis dans la pièce. Un homme et une femme chacun attablés derrière un
bureau vide. La femme avait un calepin et un stylo, l’homme rien du tout. Elle
a pris en note nos noms et l’homme a demandé une carte d’identité à Phito en
échange d’une carte d’accès. Les autres ne faisaient rien.
Nous avons alors
fait le tour du bâtiment pour nous rendre de l’autre côté. Phito semblait savoir
où nous allions. Nous avons là aussi croisé des gardes de sécurité avec de gros
guns. Je me suis forcé de leur sourire pour ne pas les contrarier. Nous sommes
enfin arrivés devant un bureau avec des portes et des fenêtres en verre fumé.
Nous sommes rentrés et l’air climatisé nous a surpris, mais pas autant que la
vision suivante. Dans une pièce d’environs 15’x20’ se trouvaient une dizaine de
bureaux en bois massif jonchés de piles immenses de dossiers et de papiers de
tout acabit. Il ne devait pas y avoir plus que deux ou trois ordinateurs.
Autour de chaque bureau étaient assis cinq ou six personnes. Il n’y avait pas
de place pour circuler et les gens discutaient ou se regardaient dans le blanc
des yeux les bras croisés. La dame que nous voulions rencontrer nous a suggéré
de sortir pour que nous fassions notre rencontre à l’extérieur.
Nous nous sommes
ensuite redirigés vers la réception où Phito y est entré pour envoyer le
dossier par le courrier interne comme nous l’avait recommandé la dame. C’est alors
que Fritz s’est exclamé :
Fritz : -
Avez-vous vu tous ces gens dans les bureaux?
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Formation sur la créativité |
Moi : - Oui
justement, je voulais vous demander ce qu’ils font ces gens.
Patrick : -
RIEN!!! Ils ne font absolument rien!
Moi : - Ils
attendent pour un rendez-vous?
Fritz : -
Non!!!! Ce sont des fonctionnaires de l’état. Ils sont payés pour être là à ne
rien faire. Ils ont deux pauses de 15 minutes par jour et 1h30 pour dîner le
midi et ils partent à 16h.
Moi : - Si
au moins ils faisaient semblant de travailler…
Patrick : -
Et on se demande ensuite pourquoi l’état n’a pas d’argent!!!
Incroyable quand
même, non?!?!
Formation sur
la créativité
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Formation sur la créativité |
Le concept de
base de l’éducation haïtienne est de répéter ce que l’instituteur dit en avant
de la classe, donc apprendre par cœur, réfléchir le moins possible car ce sont
les adultes qui ont raison. J’ai réalisé en cour de route que les gens avec qui
je travaillais manquaient énormément de créativité. Oui, c’est vrai que pour la
plupart, ils se trouvent tout en bas de la pyramide de Maslow et que leur rêve
le plus fou est souvent de juste manger le soir ou aller à l’école le lendemain
matin ou devenir un "bon" administrateur comme un de mes collaborateurs qui est un administrateur m'a sorti quand je leur ai fait faire l'exercice. Mais quand on est un gestionnaire ou un administrateur d’une mairie ou
le coordonnateur d’une association de jeunes et qu’on développe des projets, il
faut sortir de notre zone de confort et des besoins essentiels pour faire
avancer les choses. C’est comme s’ils avaient peur de se tromper… Alors ils
refont toujours les mêmes projets, donc souvent les mêmes erreurs. C’est un
cercle très, très vicieux comme en témoigne un peu l’histoire du pays. J’ai
donc décidé de leur donner une formation sur la créativité. L’idée fut
accueillie froidement au début, mais je crois que c’est parce qu’ils ne
comprenaient pas de quoi il s’agissait. Finalement, la formation a eu lieu le
dimanche 20 mai. Ils étaient supposé être dix-huit, huit se sont présentés.
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Formation sur la créativité |
Je crois qu’ils
ont apprécié. En tout cas, ils ont participé… Ont-ils compris quelque chose?
Est-ce que ça va leur servir? Ce n’est pas important pour moi. Ce qui est
important c’est de savoir que j’ai peut-être réveillé une réflexion. Le reste
fera son chemin à son rythme chez chacun d’entre-eux et selon leur niveau
d’éducation et de curiosité.
Cap Haïtien
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Château du roi Henri Christophe |
Samedi le 26
mai, je suis partie pour le Cap Haïtien avec Doris et son mari Marcel qui est
arrivé la semaine passée. Ils font définitivement partie de mon top 10 des
retraités les plus "hot" que je connaisse (incluant ma tante Josée et son amie
Denise). D’autant plus que je suis fondamentalement jalouse de leur santé
cardio-vasculaire. La route pour s’y
rendre fut tumultueuse. En arrivant à Milot, vers 13h30, Nathalie une CV de Port-au-Prince
qui travaille à la gestion des risques et désastres, nous attendait pour monter
à la Citadelle. Nous avons d’abord pu admirer (de loin, car des gens riches s’y
mariaient) le palais du roi Henri Christophe, malheureusement détruit
partiellement par un séisme en 1842.
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La Citadelle |

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Randonneuse "Fashion" |
Nous avons
ensuite pris le véhicule pour nous rendre à la Citadelle. En chemin, le camion
s’est arrêté net (problème de pompe à huile). Nous avons donc du continuer la route à pied avec le guide.
Il faisait chaud et ça m’a encore remis à la figure que je ne suis pas en
forme. Je me trouvais très « fashion » avec ma robe soleil, mes
sandales de marche et mes bâtons de randonnée. 1h30 plus tard, nous étions en
haut de la très impressionnante Citadelle construite par le très mégalomane roi Henri-Christophe, que les Haïtiens se plaisent à
déclarer 8e merveille du monde. La vue y était splendide et le lieu
mythique. Malheureusement, le guide que nous avions grassement payé était nul
et ne m’attendait pas avant de donner les explications (je prenais le temps de
savourer le moment vous savez!). Somme toute, j’ai été presque aussi impressionnée qu’au
Machu Picchu.
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Doris et Marcel |
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Mur extérieur de la Citadelle |
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Canon à l'effigie du roi Soleil |
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Doris et Marcel |
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Ça m'a fait bien rire comme nom de salon! |
Le lendemain
matin le partenaire de Doris est venu nous chercher à l’hôtel. Je n’ai jamais
vu quelqu’un qui conduisait aussi lentement!!! S’en était dangereux! Je forçais
quand il tournait! Il nous a amenés dans le centre-ville historique, pas très
loin de l’hôtel d’ailleurs (je crois que ça aurait été moins long d’y aller à
pied). Nous nous sommes aussi rendus à Vertière où a eu lieu la dernière
bataille de l’indépendance en 1806. Au magnifique hôtel Henri-Christophe j’ai
proposé que Marcel et moi descendions pour que Doris et Noly puissent se rendre
à leur rencontre. Marcel et moi avons donc fouiné dans la cours de l’hôtel et
nous sommes promenés dans les rues du Cap qui sont très agréables, les Capois
étant très courtois (ça faisait changement de Dessalines). En fin d’avant-midi,
je me suis octroyé le droit de faire une sieste.
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Cathédrale du Cap Haïtien |
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Monument à l'effigie de la bataille de Vertière, dernière bataille pour l'indépendance 1806 |


Labadie est le
seul lieu touristique assumé d’Haïti. On y trouve une immense plage privée et
cadenassée où les gros bateaux de croisière sillonnant les Caraïbes s’arrêtent.
Ça a plus l’air des glissades d’eau du Mont St-Sauveur qu’autre chose, eau
turquoise en prime. Juste à côté étaient stationnées de petites chaloupes à
moteur en bois. Ruth était terrorisée et le chauffeur s’amusait avec cela en
lui disant que si le bateau coulait, on n’aurait qu’à nager jusqu’à la rive.
Nous sommes
arrêtés à Belly Beach pour nous acheter une bière et avons repris l’embarcation
pour nous rendre à plage Paradis. Et laissez-moi vous dire que c’était le
paradis pour vrai. Sable fin, eau turquoise chaude et source d’eau fraîche.
On m’a dit que
je méritais bien cette dernière petite escapade. Je le crois aussi. J’ai
travaillé fort et je ne sais quand je reviendrai en Haïti alors aussi bien en
profiter!
Rapport de
fin d’affectation
Mon rapport a
été approuvé par Lucie. J’ai ma réunion de fin de mandat jeudi soir. Mes
partenaires ont trouvé un terrain pour construire le YMCA et l’entente est en
train de se signer avec les partis concernés. Ils ont des idées de projets
plein la tête et sont motivés. Mardi soir ils ont décidé qu’ils se verraient
deux soirs par semaine et que Phito ferait les rappels puisque je ne serais
plus là. Ils m’ont demandé s’ils pouvaient m’écrire s’ils avaient des questions
et pour me tenir au courant des avancées du projet.
Je pars vendredi
pour Port-au-Prince où je passerai la fin de semaine avec Marie-José, Doris,
Marcel et Geneviève. Nous irons marcher en montagne et nous prélasser à la
piscine. Marie-José fera de la fondue, ce qui bouclera la boucle puisque c’est
ce qu’elle m’a préparé lors de mon premier soir le 7 février.

J’aurai trouvé
ça dure. J’aurai trouvé ça long. J’aurai vécu toutes sortes d’émotions allant
de l’ennui à l’émerveillement et de la frustration au bonheur. J’aurai eu
chaud. J’aurai été malade. J’aurai été témoin d’horreurs humaines et des plus beaux
sourires. J’aurai vu des dépotoirs à ciel ouvert et les plus beaux paysages de
la planète. Cette expérience en aura été une qui m’aura fait grandir comme
jamais. J’aurai aimé et détesté ce pays si injustement ravagé. Je ne sais pas
si je reviendrai, mais j’en garderai toujours un souvenir positif et inspirant.
Merci de m’avoir
suivi pendant quatre mois. J’ai hâte de vous retrouver, de vous parler, de vous
regarder, de vous embrasser et surtout de vous entendre!
Catherine
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Notre gardien André avec sa petite. |