jeudi 31 mai 2012

Blogue 15 : Fin


Ministère de l’intérieur

J’ai oublié de vous parler de mon expérience surprenante au ministère de l’intérieur lors de ma visite à Port-au-Prince avec mes partenaires il y a trois semaines. Nous nous y sommes rendus pour y déposer le dossier de projet avec l’espoir d’avoir une réponse rapide et un entretient éventuel. Nous arrivons dans la cours intérieure de l’édifice. Un garde de sécurité en complet est assis sur une chaise avec son gros gun et lit le journal. On m’a recommandé de ne pas le prendre en photo. Dommage, elle aurait été bonne. Nous sommes entrés à la réception. Des gens étaient assis dans la pièce. Un homme et une femme chacun attablés derrière un bureau vide. La femme avait un calepin et un stylo, l’homme rien du tout. Elle a pris en note nos noms et l’homme a demandé une carte d’identité à Phito en échange d’une carte d’accès. Les autres ne faisaient rien.

Nous avons alors fait le tour du bâtiment pour nous rendre de l’autre côté. Phito semblait savoir où nous allions. Nous avons là aussi croisé des gardes de sécurité avec de gros guns. Je me suis forcé de leur sourire pour ne pas les contrarier. Nous sommes enfin arrivés devant un bureau avec des portes et des fenêtres en verre fumé. Nous sommes rentrés et l’air climatisé nous a surpris, mais pas autant que la vision suivante. Dans une pièce d’environs 15’x20’ se trouvaient une dizaine de bureaux en bois massif jonchés de piles immenses de dossiers et de papiers de tout acabit. Il ne devait pas y avoir plus que deux ou trois ordinateurs. Autour de chaque bureau étaient assis cinq ou six personnes. Il n’y avait pas de place pour circuler et les gens discutaient ou se regardaient dans le blanc des yeux les bras croisés. La dame que nous voulions rencontrer nous a suggéré de sortir pour que nous fassions notre rencontre à l’extérieur.

Nous nous sommes ensuite redirigés vers la réception où Phito y est entré pour envoyer le dossier par le courrier interne comme nous l’avait recommandé la dame. C’est alors que Fritz s’est exclamé :

Fritz : - Avez-vous vu tous ces gens dans les bureaux?
Formation sur la créativité
Moi : - Oui justement, je voulais vous demander ce qu’ils font ces gens.
Patrick : - RIEN!!! Ils ne font absolument rien!
Moi : - Ils attendent pour un rendez-vous?
Fritz : - Non!!!! Ce sont des fonctionnaires de l’état. Ils sont payés pour être là à ne rien faire. Ils ont deux pauses de 15 minutes par jour et 1h30 pour dîner le midi et ils partent à 16h.
Moi : - Si au moins ils faisaient semblant de travailler…
Patrick : - Et on se demande ensuite pourquoi l’état n’a pas d’argent!!!

Incroyable quand même, non?!?!

Formation sur la créativité

Formation sur la créativité
Le concept de base de l’éducation haïtienne est de répéter ce que l’instituteur dit en avant de la classe, donc apprendre par cœur, réfléchir le moins possible car ce sont les adultes qui ont raison. J’ai réalisé en cour de route que les gens avec qui je travaillais manquaient énormément de créativité. Oui, c’est vrai que pour la plupart, ils se trouvent tout en bas de la pyramide de Maslow et que leur rêve le plus fou est souvent de juste manger le soir ou aller à l’école le lendemain matin ou devenir un "bon" administrateur comme un de mes collaborateurs qui est un administrateur m'a sorti quand je leur ai fait faire l'exercice. Mais quand on est un gestionnaire ou un administrateur d’une mairie ou le coordonnateur d’une association de jeunes et qu’on développe des projets, il faut sortir de notre zone de confort et des besoins essentiels pour faire avancer les choses. C’est comme s’ils avaient peur de se tromper… Alors ils refont toujours les mêmes projets, donc souvent les mêmes erreurs. C’est un cercle très, très vicieux comme en témoigne un peu l’histoire du pays. J’ai donc décidé de leur donner une formation sur la créativité. L’idée fut accueillie froidement au début, mais je crois que c’est parce qu’ils ne comprenaient pas de quoi il s’agissait. Finalement, la formation a eu lieu le dimanche 20 mai. Ils étaient supposé être dix-huit, huit se sont présentés.

Formation sur la créativité
Je crois qu’ils ont apprécié. En tout cas, ils ont participé… Ont-ils compris quelque chose? Est-ce que ça va leur servir? Ce n’est pas important pour moi. Ce qui est important c’est de savoir que j’ai peut-être réveillé une réflexion. Le reste fera son chemin à son rythme chez chacun d’entre-eux et selon leur niveau d’éducation et de curiosité.







Cap Haïtien

Château du roi Henri Christophe
Samedi le 26 mai, je suis partie pour le Cap Haïtien avec Doris et son mari Marcel qui est arrivé la semaine passée. Ils font définitivement partie de mon top 10 des retraités les plus "hot" que je connaisse (incluant ma tante Josée et son amie Denise). D’autant plus que je suis fondamentalement jalouse de leur santé cardio-vasculaire.  La route pour s’y rendre fut tumultueuse. En arrivant à Milot, vers 13h30, Nathalie une CV de Port-au-Prince qui travaille à la gestion des risques et désastres, nous attendait pour monter à la Citadelle. Nous avons d’abord pu admirer (de loin, car des gens riches s’y mariaient) le palais du roi Henri Christophe, malheureusement détruit partiellement par un séisme en 1842.
La Citadelle





Randonneuse "Fashion"
Nous avons ensuite pris le véhicule pour nous rendre à la Citadelle. En chemin, le camion s’est arrêté net (problème de pompe à huile). Nous avons donc du continuer la route à pied avec le guide. Il faisait chaud et ça m’a encore remis à la figure que je ne suis pas en forme. Je me trouvais très « fashion » avec ma robe soleil, mes sandales de marche et mes bâtons de randonnée. 1h30 plus tard, nous étions en haut de la très impressionnante Citadelle construite par le très mégalomane roi Henri-Christophe, que les Haïtiens se plaisent à déclarer 8e merveille du monde. La vue y était splendide et le lieu mythique. Malheureusement, le guide que nous avions grassement payé était nul et ne m’attendait pas avant de donner les explications (je prenais le temps de savourer le moment vous savez!). Somme toute, j’ai été presque aussi impressionnée qu’au Machu Picchu.

Doris et Marcel
Mur extérieur de la Citadelle
Canon à l'effigie du roi Soleil




















 


Doris et Marcel


Ça m'a fait bien rire comme nom de salon!








 




Le lendemain matin le partenaire de Doris est venu nous chercher à l’hôtel. Je n’ai jamais vu quelqu’un qui conduisait aussi lentement!!! S’en était dangereux! Je forçais quand il tournait! Il nous a amenés dans le centre-ville historique, pas très loin de l’hôtel d’ailleurs (je crois que ça aurait été moins long d’y aller à pied). Nous nous sommes aussi rendus à Vertière où a eu lieu la dernière bataille de l’indépendance en 1806. Au magnifique hôtel Henri-Christophe j’ai proposé que Marcel et moi descendions pour que Doris et Noly puissent se rendre à leur rencontre. Marcel et moi avons donc fouiné dans la cours de l’hôtel et nous sommes promenés dans les rues du Cap qui sont très agréables, les Capois étant très courtois (ça faisait changement de Dessalines). En fin d’avant-midi, je me suis octroyé le droit de faire une sieste.


Cathédrale du Cap Haïtien



   



Monument à l'effigie de la bataille de Vertière, dernière bataille pour l'indépendance 1806


En début d’après-midi Doris, Noly, sa femme Ruth et un de leurs amis (qui a conduit Dieu merci!), sont venus nous chercher pour aller à Labadie. Nous avons failli ne pas partir puisque la voiture ne voulait pas démarrer (décidément, les véhicules au Cap ont de la misère!). C’est à force de frapper sur les fils du démarreur que la voiture s’est décidée à nous emmener à la plage.

Labadie est le seul lieu touristique assumé d’Haïti. On y trouve une immense plage privée et cadenassée où les gros bateaux de croisière sillonnant les Caraïbes s’arrêtent. Ça a plus l’air des glissades d’eau du Mont St-Sauveur qu’autre chose, eau turquoise en prime. Juste à côté étaient stationnées de petites chaloupes à moteur en bois. Ruth était terrorisée et le chauffeur s’amusait avec cela en lui disant que si le bateau coulait, on n’aurait qu’à nager jusqu’à la rive.

Nous sommes arrêtés à Belly Beach pour nous acheter une bière et avons repris l’embarcation pour nous rendre à plage Paradis. Et laissez-moi vous dire que c’était le paradis pour vrai. Sable fin, eau turquoise chaude et source d’eau fraîche.

On m’a dit que je méritais bien cette dernière petite escapade. Je le crois aussi. J’ai travaillé fort et je ne sais quand je reviendrai en Haïti alors aussi bien en profiter!

Rapport de fin d’affectation

Mon rapport a été approuvé par Lucie. J’ai ma réunion de fin de mandat jeudi soir. Mes partenaires ont trouvé un terrain pour construire le YMCA et l’entente est en train de se signer avec les partis concernés. Ils ont des idées de projets plein la tête et sont motivés. Mardi soir ils ont décidé qu’ils se verraient deux soirs par semaine et que Phito ferait les rappels puisque je ne serais plus là. Ils m’ont demandé s’ils pouvaient m’écrire s’ils avaient des questions et pour me tenir au courant des avancées du projet.

Je pars vendredi pour Port-au-Prince où je passerai la fin de semaine avec Marie-José, Doris, Marcel et Geneviève. Nous irons marcher en montagne et nous prélasser à la piscine. Marie-José fera de la fondue, ce qui bouclera la boucle puisque c’est ce qu’elle m’a préparé lors de mon premier soir le 7 février.

J’aurai trouvé ça dure. J’aurai trouvé ça long. J’aurai vécu toutes sortes d’émotions allant de l’ennui à l’émerveillement et de la frustration au bonheur. J’aurai eu chaud. J’aurai été malade. J’aurai été témoin d’horreurs humaines et des plus beaux sourires. J’aurai vu des dépotoirs à ciel ouvert et les plus beaux paysages de la planète. Cette expérience en aura été une qui m’aura fait grandir comme jamais. J’aurai aimé et détesté ce pays si injustement ravagé. Je ne sais pas si je reviendrai, mais j’en garderai toujours un souvenir positif et inspirant.

Merci de m’avoir suivi pendant quatre mois. J’ai hâte de vous retrouver, de vous parler, de vous regarder, de vous embrasser et surtout de vous entendre!

Catherine




Notre gardien André avec sa petite.


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