jeudi 17 mai 2012

Blogue 14 : La Grande Anse


Souper de pad thai avec la reine du social et les princesse + Robert

Dans l’intimité de mes partenaires (ou presque…)

En réunion... J'ai l'air de savoir de quoi je parle han?
De lundi à mercredi dernier, je me suis rendu à Port-au-Prince avec trois de mes partenaires pour diverses rencontres importantes. Ce fût l’occasion pour moi d’apprendre à les connaître un peu mieux et j’avoue que je me suis bien bidonné…

Au ministère de la jeunesse, des sports et de l'action civique
7h15 am : Nous sommes en voiture et je me réveille car ils conversent en créole avec le chauffeur. Je crois comprendre au bout de 10 minutes qu’ils parlent de religion, ce qui m’étonne car c’est un sujet sur lequel on ne s’obstine pas en Haïti.


Moi : - Les gars, vous êtes vraiment intenses pour 7h15 le matin, vous ne trouvez pas?
Phito : - Haha! Tu n’aimes pas parler de religion?
Moi : - Je n’embarquerai pas là-dedans…
Fritz : - Non, mais regarde, je leur expliquais que je trouvais ça bête que tout le monde pense que Dieu va sauver le pays. Je dois bien être un des seuls Haïtien en Haïti à ne pas être croyant.
Patrick : - … (Il est adventiste et extrêmement croyant)
Moi : - Bon, écoutez les gars… Voici mon point de vue. J’ai eu une éducation catholique, j’ai fait un choix à un moment de ma vie. Et je considère que je mets en pratique les belles valeurs de l’humanité aussi bien et parfois même mieux que bien des gens dévots.
Fritz : - Les gens perdent leur temps à prier plutôt qu’agir!!! Que Dieu existe ou pas, ce n’est pas Lui qui va régler nos problèmes, c’est nous. Tout ce qu’Il peut faire c’est de nous donner du courage. (Je n’aurais pas pu mieux dire…)
Patrick : - … C’est vrai que les gens oublient d’agir…
Phito : - Haha…
Arold (notre chauffeur sauvé par Dieu lors de sa maladie) : - …

Notre première réunion a eu lieu au ministère de la jeunesse, des sports et de l’action civique, avec le directeur de la jeunesse. Si ma gang de bozos se grouillent le derrière, je crois qu’ils sont disposés à financer une partie du projet. J’ai même suggéré que le ministère investisse dans un salaire de directeur des services récréatifs, ce qui a été reçu positivement. Le directeur a même proposé d’utiliser Dessalines comme exemple pour les autres municipalités du pays.

En réunion avec YMCA Haïti
Vous devez savoir qu’en Haïti, tout s’appelle Dieu ou Jésus quelque chose. Par exemple : Sang de Jésus autoparts, Don de Dieu loto, Jésus est grand coiffure, Dieu qui décide transports (mais mon préféré reste Père Noël Loto). Le Jésus en croix est peint à qui mieux mieux sur les autobus, les taptaps, les devantures de magasins, etc. Nous roulons donc sur la route de Delmas vers le Épidor ou nous comptons nous substanter. Tout le monde est silencieux.

Fritz : - Heureusement que Jésus est du domaine public, parce qu’il y a quelqu’un qui ferait beaucoup d’argent avec ça!
Moi : - HAHAHA!!!! C’est la meilleure que j’ai entendue depuis longtemps! Surtout venant d’un Haïtien…
Fritz : - Hehe!
Nous avons donc mangé au Épidor. Malheureusement, le chauffeur a dû aller chercher un autre conseiller volontaire au Champ de Mars (on n’a pas le droit de rester là trop longtemps, ça peut facilement péter dans ce coin de la ville) et nous avons patienté 1h30 au resto, ce qui nous a donné amplement le temps de discuter. Fritz et Patrick en ont profité pour aller faire une course. En attendant…

Phito : - Je ne le crois pas que ton copain a pu rester fidèle pendant 4 mois…
Moi : - Euh… Ben, pourquoi il me mentirait là-dessus? Et pourquoi n’en serait-il pas capable si moi j’en ai été capable?
Phito : - Impossible! Un homme ne peut se retenir plus que deux semaines!
Moi : - Les Haïtiens sont faibles!
Phito : - Ton copain est fou.
Moi : - …
Phito (regard triomphant) : - Ha! Tu sais plus quoi dire, han?
Moi : - Phito, t’as jamais entendu parler de ton amie la main droite???
Phito (un peu décontenancé par mon commentaire) : - … Hahaha!!!!
Les gars (revenant de leur course) : - De quoi vous parlez?
Phito : - Catherine pense que les hommes sont capables d’être fidèles.
Patrick : - Mais oui on est capables!!! Faut juste un peu de volonté!
Moi : - Tu vois! Et puis de toute manière Phito, maintenant que tu es marié, c’est fini les p’tits ménages!!!
Phito : - Ha… Heu… Pfff…
Moi : - Vous réagiriez comment si votre femme vous trompait?
Fritz (sourire en coin) : - Ben, c’est clair qu’on la met à la porte de la ville et qu’on la lapide! (J’aime bien l’humour de cet homme. Je crois qu’il pourrait devenir mon ami!)
Moi : - Hahaha!
Fritz : - Sans blague, l’homme on le félicite pour sa bonne prise et la femme se fait souvent abandonner.
Moi : - Phito, tu ne trouves pas ça un peu injuste?
Phito : - Mouin… Vu comme ça…

On a aussi eu une longue conversation sur le féminisme. Phito nous a discourut sur le fait que l’égalité entre les hommes et les femmes était un faux problème. Les deux autres l’ont ramassé bien comme il faut (heureusement!). Cela dit, je ne le critique pas. Il y a beaucoup de chemin à faire en Haïti à ce sujet. Je vous dirais que ça se résume bien dans cette phrase que j’ai utilisée à plusieurs reprises suite à des commentaires comme : les femmes ne veulent pas s’impliquer, les femmes sont paresseuses, les femmes sont bien dans leur rôle, etc.

Moi : - Les gars, si les femmes n’étaient pas occupées à torcher vos bobettes, à torcher vos maisons, à torcher vos enfants, elles auraient le temps de s’impliquer. Les femmes ont des idées et de grandes idées, qui plus est. Il faudrait juste que vous commenciez à les écouter! ET à torcher vos (criss) de bobettes vous-même!

Le lendemain, nous sommes allés rencontrer Bob Duval qui a fondé l’Athlétique d’Haïti qui œuvre dans Cité Soleil. Un bonhomme fascinant, un visionnaire qui a contribué avec brio à stimuler les jeunes d’un des plus dangereux bidonvilles des Amériques.

Mercredi, nous avons eu une rencontre avec YMCA-Haïti. Encore là, si les gars se grouillent le popotin, je crois qu’il devrait y avoir une belle collaboration qui pourra se développer.

Rencontre avec l'Athlétique d'Haïti
De jeudi à lundi, j’ai pris des vacances pour aller dans la Grande Anse. À mon retour, j’ai appelé Fritz qui m’a dit qu’ils avaient eu une réunion avec les autres afin de leur faire un compte rendu de nos rencontres. Ils ont pris des décisions, informé le maire, et entamé des démarches concrètes pour que le projet avance. Bref, mes petits sont en train de devenir grands!!! Je pars l’âme en paix, à partir de la semaine prochaine, ça ne m’appartient plus.


 



Rozo prise 1

Ma belle Chelda!
Jeudi matin à 6h, Doris, Jonathan et moi avons mis le cap sur la Grande Anse, conduits par Gerry, le chauffeur le plus étrange que j’aie jamais rencontré. Le trajet fut beaucoup plus agréable que mon expérience en taptap de l’année dernière. Ça nous a pris 6h30 (vs 10h en taptap). Puisqu’il était tôt, nous sommes arrêtés prendre le thé à Rozo. J’étais très émue de revoir Gérard, mon papa Haïtien d’adoption (à mon vrai papa, y’a personne qui va jamais pouvoir te remplacer, ne t’inquiète pas!!!). Quand les classes se sont terminées, les enfants m’ont entouré, ils me fixaient de leurs fabuleux yeux avec leurs grands sourires en murmurant « Mme Catherine!!! » comme si j’étais une apparition… Myrriame devenue si belle, Rachelle si grande, Fedro toujours aussi touchant avec ses grands yeux timides et ma Chelda que j’aime tant!!! Ils étaient tous là… Il y en avait toujours un pour me taper sur l’épaule, me souriant l’air de dire « Tu me reconnais han? Tu es contente de me voir han? »… « Mais oui mon timoun, je te reconnais et tu ne peux pas savoir combien je suis heureuse de te voir! »

Les quatre jolies demoiselles
Dans la cours arrière, il y avait quatre toutes petites filles que je ne connaissais pas. Quand je me suis approché d’elles et m’exclamant : « Mais vous êtes donc bien belles vous quatre??? », il y en a une qui s’est littéralement jeté à mon coup. Je pensais qu’elle ne se détacherait jamais. Vous imaginez que mon cœur a fait 46 tours à ce moment-là!!!

J’ai alors vu Santona qui riait en faisant la lessive. Puis, Evens, Pedro et maman Madou sont venus me saluer chaleureusement. Madou semblait très affaiblie par la thyphoïde qu’elle a eue cet hiver. Elle était tellement contente de me voir qu’elle s’est écrié « Catherine!!!! W gwo! ». « Merci Madou! ». Ici, se faire dire qu’on est grosse c’est le compliment ultime. Ça veut dire qu’on a l’air en santé! Mais vous n’êtes pas obligés de me le dire si j’ai engraissé quand je vais revenir, ok? C’est acceptable venant de Madou, mais c’est tout!

Je n’avais pas réalisé jusqu’à maintenant combien j’étais attachée à ces gens. Quand je suis arrivé chez eux l’été dernier, je n’allais pas très bien. J’étais en train d’essayer de remonter à bouts de bras et avec mes ongles, le puits dans lequel j’étais tombé depuis deux ans. Sans le savoir, ils m’ont lancé la corde dont j’avais besoin pour finir de me hisser. Je leur en serai donc éternellement reconnaissante.

Après ces retrouvailles émotives et le fameux thé à la cannelle de Madou, Doris, Jonathan et moi sommes allés nous baigner. J’ai retrouvé l’odeur étrange du chemin nous menant à la plage. Le cours de la rivière avait changé. Le bassin où j’avais l’habitude de me laver était à sec. Mais c’était toujours aussi beau! Sur le chemin, des enfants me criaient « Mme Catherine, où est Meigge? Où est Valentine? Et Thomas, Fabrice et Ève-Marie??? ».

Gérard s’est plaint de ne plus recevoir de subventions et ça m’a fait de la peine. Le travail qu’il fait est remarquable. Mais il se fait vieux et il n’a pas tant d’énergie pour courir après les bailleurs de fonds… Et moi, qu’est-ce que je peux faire? Le problème, c’est que c’est toujours à recommencer. Une organisation finance un projet sur une certaine période de temps et après… Ben après, ce n’est pas encore réglé la situation du pays, les gens ont pas plus d’argent et les projets meurent… Et à ce moment-là, c’est de l’argent pitché par les fenêtres… Et c’est des enfants qui se retrouvent encore sans avenir. Alors… Moi, qu’est-ce que je peux bien y faire???
Jonathan dans son lit de princesse
Massage

Doris au Scrabble









En fin d’après-midi, nous avons quitté Rozo pour nous rendre à Jérémie. Nous avons dormi dans une jolie et confortable petite auberge. Le resto où nous avons mangé était correct. Doris nous a torchés au Scrabble en soirée, mais à force de jouer avec elle, je m’améliore. En regardant une carte de l’Afrique, je me suis mis à parler de la République Démocratique du Condo. Jonathan m’a demandé si je ne parlais pas plutôt du plateau Mont-Royal. Je suis vraiment n’importe quoi des fois… Tk, fallait être là. Le lendemain matin, Doris m’a fait un massage. C’est vraiment pratique de voyager avec une massothérapeute!

Les Abricots

La porte arrière de notre gîte
La route entre Jérémie et les Abricots et très mauvaise. Heureusement que nous avions un pick-up quatre par quatre. J’ai regretté amèrement de ne pas avoir mis un soutien gorge soutien extrême, mais sinon, au bout de deux heures, nous avons débouché sur le plus joli endroit que j’aie eu la chance de voir dans ma vie (ou presque… en tout cas, au moins dans le top 10!). Notre auberge était directement sur la plage et jolie comme tout. Nous allions dormir en écoutant le bruit des vagues… Beaucoup plus agréable que le bruit des klaxons et des gens qui crient! Après avoir pris notre lunch, nous sommes partis à la recherche de l’atelier de Mme de Verteuil, une amie de Régine qui n’était malheureusement pas là. Nous avons visité l’atelier de broderie de nappes. Ensuite, nous sommes allés à sa maison avec son assistante et nous avons pu acheter des nappes. J’ai eu toutes les misères du monde à choisir la mienne. Ça prend entre deux et quatre mois broder une nappe comme celles-là, à la main. J’ai vraiment hâte de la mettre sur ma table chez moi!!!! Mais que je vous vois la tacher avec du vin ou de la nourriture!!!

Atelier de broderie de nappes
À la chaleur qu’il faisait, nous nous sommes ensuite dépêchés à redescendre pour pouvoir nous garocher dans la mer. On a tout juste eu le temps de se rafraîchir qu’un orage tropical s’est déclaré. J’ai donc été forcée, pauvre de moi, à lire et à faire une sieste oh combien méritée!!!

Souper au couché de soleil
Nous avons soupé une fois l’orage passé, dans un petit resto à deux portes de l’auberge. Celui-ci étant aussi directement sur la plage, nous avons été OBLIGÉS de manger du homard et du poisson frais en regardant le fabuleux coucher de soleil. Vraiment, des fois je trouve que la vie est bien injuste…

Le lendemain matin, je suis allé marcher sur la plage après m’être baigné. Une fille d’une vingtaine d’années m’a abordé. Elle s’est mise à me parler de son organisation de jeunes qui œuvrait au niveau du reboisement et qui était en train de développer un projet de culture du cacao tout en respectant une charte environnementale très sévère.

Moi : - Tu sais Farah, je vais te dire un secret.
Farah : - Ah oui?
Moi : - Oui… L’avenir de ce pays réside dans les femmes. Vous êtes fortes, courageuses et pleines d’idées géniales!
Farah : - Merci!
Moi : - Je suis très sérieuse.

Sur les entre-faits, son ami Alex est arrivé, il venait d’entendre ce que je venais de dire et me regardait avec de gros yeux.

Moi : - Tu n’es pas d’accord avec ce que je viens de dire?
Alex : - Non.
Moi : - Eh bien, il va falloir commencer à travailler ensemble… Tu ne peux pas nier que les projets de Farah sont super intéressant et à l’avantage de la région qui a tout avantage à se développer.
Alex : - Oui, bon… C’est vrai.

Pêcheurs aux Abricots
Vraiment, de super beaux jeunes, se sentant bien isolés dans leur petit coin de paradis, mais remplis d’espoir et de détermination. Ils m’ont chaleureusement invité à revenir pour la fête patronale au mois d’août. Décidément, les habitants de la Grande Anse sont les plus accueillants du pays!

Avec Mme Antoinette la tenancière de l'Auberge





Rozo prise 2

Nous sommes retournés à Rozo pour y être pour la réunion scoute à 15h. Ils nous ont chanté une chanson de bienvenue, puis se sont séparés, les scouts et routiers d’un côté et les louveteaux de l’autre. J’ai suivi les plus jeunes évidemment. À un moment, Evens est sorti de la pièce, Pedro est venu et m’a demandé si je pouvais leur montrer le Grand Hurlement en vue de la promesse. Et première chose que j’ai su, je me suis retrouvé à animer une réunion de deux heures toute seule sans préparation. À un moment, un jeune des éclaireurs a tenté de s’immiscer dans notre réunion. C’est à contre cœur que j’ai dû le réexpédier dans son groupe… Je crois qu’il aurait préféré passer du temps à jouer avec moi que de se faire discourir sur la théorie du scoutisme par Pedro.
Jonathan et Doris ont fini par se joindre à nous. À la fin de la réunion, Doris m’a fait le plus beau compliment « J’pense que les jeunes avaient pas envie que ça finisse… ».

Nous avons passé le reste de l’après-midi à discuter avec Gérard. Amos, Duckerson, Herbyson et Ricardo sont venus me saluer. C’est étrange, j’ai remarqué que les Haïtien ne sont pas très démonstratifs quant à leurs émotions. Ils m’ont tous dit qu’ils étaient contents de me revoir, mais ne me l’ont pas du tout démontré… Ils avaient l’air gênés…

Avec Myrriame
La petite Cristelle endormie
Nathalie, Junie et Jean-Philippe
Mes timouns
Après le souper, nous avons joué aux Dominos avec Gérard. Les enfants pensionnaires et quelques petits voisins nous ont entourés pour nous aider à battre papa Gérard! Nathalie, Rachelle et un autre petit garçon ont passé plusieurs heures à me jouer dans les cheveux. Myrriame me faisait des câlins à tout bout de champs. Junie passait son temps à me prendre la main. C’était beaucoup beaucoup d’amour d’enfants en même temps. Et ça m’a frappé de plein fouet, peut-être que c’était la dernière fois que je les voyais ces enfants-là… On ne sait pas ce que l’avenir nous réserve et on ne doit jamais dire jamais, mais c’est quand même du domaine du probable que je ne les revois jamais… Et puis, j’ai un peu eu envie de pleurer.

Je ne suis pas allé dormir sur le toit et je l’ai amèrement regretté dès l’instant où ma tête s’est posé sur l’oreiller. Il devait faire 1000 degrés dans la pièce… J’ai fini par m’endormir malgré tout, mais je ne peux pas dire que ce fut d’un sommeil réparateur.

Doris, Jonathan, moi et papa Gérard
Le lendemain matin, nous avons déjeuners (omelette à la saucisse à hot dog, aux oignons et à l’huile ti malice… genre de déjeuner de lendemain de veille mais qui passe pas super bien pas lendemain de veille). Puis, nous avons fait nos aux revoir. Après avoir embrassé Gérard, je me suis dépêché d’aller m’assoir dans l’auto et de mettre mes lunettes de soleil avant de me transformer en fontaine italienne. C’est donc le cœur gros mais heureuse d’avoir pris la décision d’y aller, que j’ai quitté Rozo et cette merveilleuse famille qu’est celle des Apollon.



Port Salut

Petite caye sur la route

Jérémie


Y'a pire comme paysage...


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