Tricot : Pour quelle qu’absurde raison que ce soit,
je me suis mise en tête d’apprendre à tricoter pendant que je suis ici.
D’aucuns diront que c’est plus ou moins inspirant de manipuler de la laine à 30
degrés et ils ont raison. Samedi, j’ai donc décidé d’honorer la mémoire de ma
grand-mère qui avait tenté tant bien que mal de me faire aimer cet art de la
broche quand j’étais petite. C’est donc armés de ma broche circulaire, de ma
pelote de laine bien enroulée, du patron (en anglais, pfff facile!) et de mon
ordinateur branché sur Youtube, que j’ai entrepris de faire ma première tuque à
vie, bien campée dans le divan moelleux du salon. J’ai d’abord trouvé une vidéo
me montrant comment enfiler les mailles. Cette étape terminée, j’ai eu besoin
d’un petit rappel des bases des « à l’endroit », « à
l’envers »… Une heure plus tard, tout allait toujours bien, j’étais prête
à attaquer le patron (en anglais, pfff facile!) que la charmante vendeuse m’avait
très bien expliqué au magasin lors de mes achats à Montréal. Mais le problème,
c’est que dans ma profonde assurance que de toute manière ça me reviendrait et
que bah, je suis super habile de mes mains, pis que franchement c’est pas si
difficile que ça faire une tuque, je n’avais pas vraiment écouté les
explications de la madame. P1, K2, P3 pour moi, c’est des numéros de places de
stationnement au centre d’achats Rockland!!! Pas des mailles de tricot!!! J’ai
donc décidé de tout défaire et de m’en tenir à la maille à l’endroit pour
quelque temps encore. J’ajouterai une fleur en tissus et des boutons en
revenant pour faire jolie… J'aurai au moins hérité du don en couture de ma grand-mère!
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Ma pizza!!! |
Le Club Indigo : Dimanche, mes copines de
Port-au-Prince et moi, nous étions donné rendez-vous à mi-chemin, à la plage du
très convoité Club Indigo (anciennement un Club Med). Le complexe est très
joli, on m’a dit que les chambres sont petites et désuètes, mais peu importe,
la plage est propre et il y a des chaises longues pour tout le monde! Que
demander de plus! C’est donc vers 9h30 que nous nous sommes confortablement
installés sous notre petite hutte de paille sur le bord de la mer avec nos noix
de coco transpercées d’une paille et quelques couches de crème solaire.
Sincèrement, je crois que je vis une histoire d’amour passionnel avec la mer
des Caraïbes… Même les poissons venaient me donner des becs sur les chevilles!
En tout cas, vers midi, nous avons réalisé que nous avions faim et nous a pris
l’idée saugrenue de commander une grande pizza aux légumes et une frite. Nous
avons rapidement reçu nos boissons. Et l’attente commença. À noter que le four
à bois se trouvait à peu près à 50 mètres de nos chaises. Eh bien, ça a pris
2h30 avant d’avoir notre pitance. Heureusement, c’était bon. Bref, en Haïti si
vous voulez vous faire livrer une pizza, vous êtes mieux de vous armer de
patience ou de la faire venir par Fedex, ça prendra moins de temps.
La Minustah : Je suis arrivée au Club Indigo en
même temps qu’un convoi de casques bleus brésiliens remplis de testostérone et
énervés comme des garçons de 14 ans. Ça m’a fait sourire, sans plus. Plus tard
dans la journée, j’étais avec Élise et nous nous dirigions vers la piscine pour
nous y rincer de l’eau salée de la mer. Arrivée au bord de ladite étendue d’eau
bétonnée, Élise se tourna vers moi :
-
Heuuu… Est-ce que tu te sens un peu comme un morceau de
viande en ce moment?
-
Heuuu… Un peu… As-tu un peu l’impression d’être dans un
fantasme gai?
-
Heuuu… Un peu…
C’est qu’il y avait à peu près une centaine de pectoraux
bronzés qui nous observaient de la tête aux pieds. Nous avons donc fait
quelques longueurs de piscine jusqu’à ce que Élise me lance un :
-
On sors-tu? Je n’ai pas envie de tomber enceinte dans
la piscine.
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On s'est dit toute la journée qu'on s'ennuyait de la neige |
Et j’acquiesçai en me dirigeant vers l’échelle et la paire
de pectoraux qui me dévisageait, la plus proche… Merde, je pensais pourtant que
mon bikini me couvrait bien… Prochaine fois, j’apporte mon speedo « one
piece » bleu… Ou pas… :-P (Malheureusement, quand je suis retournée pour prendre des photos, le mirage s'était évaporé...)
Les Stars de Dessalines: Ce matin j’ai été invitée
par le capitaine de l’ASD, l’équipe de foot semi-professionnelle qui est
passée, tenez-vous bien, en deuxième division!!!! Les Dessaliniens ne sont pas
peu fiers de cet exploit, qui pourtant me laisse relativement indifférente
puisque je ne connais absolument rien au foot. Cela dit, je fais semblant que
ça me passionne pour ne pas les blesser et parce que somme toute, ça
m’enlèverais un peu de crédibilité dans le cadre de mon mandat. Par contre,
j’insiste (et mes amis des scouts comprendront pourquoi) pour leur dire que je
ne peux pas jouer. Et systématiquement la question vient :
-
Mais pourquoi?
-
Parce que je vais vous faire perdre…
-
Meuh non, c’est pas grave, c’est juste un jeu…
Me semble oui, que c’est juste un jeu!
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Entrée du terrain de jeu |
![]() |
Terrain (beurk!) de jeu |
Enfin bref, je me présente donc comme convenu, sur le
terrain de jeu (qui fait partie de 70% des défis de mon mandat, tant ça fait
dure…). Une trentaine de jeunes adultes entre 18 et 30 ans jouaient au soccer
sous le regard admiratif d’enfants, d’adolescent et de vieux. À un moment, on
siffla un arrêt de jeu et Lafontant, mon hôte, me prit par le bras et
m’installa dans le milieu d’un cercle formé de tous les joueurs de l’équipe qui
attendaient que je prenne la parole. Mais pour dire quoi!?!?!? J’ai donc
bafouillé des salutations et je leur ai demandé leur collaboration. Pourtant,
je ne suis pas du genre à me laisser intimider… Il faudra que j’apprenne à
jouer au foot en rentrant…
Gagner un enfant : Sur le terrain de foot, en
train de regarder l’entraînement, je discute poliment avec les messieurs de
tous âges autour de moi. Je pose des questions sur le foot, le terrain, le
sport chez les jeunes filles etc. Tout à coup, un haïtien d’une vingtaine
d’années en chemise immaculée se retourne pour se joindre à la discussion. À un
moment, LA question vient sur la table, dans un français fortement assaisonné
de créole :
Le garçon : -
Êtes-vous mariée?
Moi : -
Oui. (Maintenant je réponds oui, c’est beaucoup moins compliqué.)
Le garçon : -
Et vous avez des enfants.
Moi : -
Non, pas encore. Mais je préfèrerais avoir un enfant avec mon mari. (Ça aussi
ça m’épargne beaucoup de propositions plus ou moins indécentes… Et ça leur
évite de penser que mon "mari" est un incompétent! Hehe!)
Le garçon : -
Mais oui, bien sûr, avec votre mari. Mais voulez-vous gagner un enfant?
Moi : -
Pardon? Mais non, je ne peux pas gagner un enfant! Si j'en veux un, je dois le faire!!!
Le garçon : -
…!
Moi : -
…?
Après réflexion faite, je crois qu’il me demandait si je
voulais avoir un enfant. Le verbe avoir en créole se dit « gen » (à
prononcer « gain »). Une mauvaise traduction du créole au français pourrait
effectivement donner « gagner ». Il faut vraiment que j’apprenne à
parler créole!
Un enfant et une mangue : En retournant vers la
maison ce matin, je croise mon voisin d’une douzaine d’années dont je ne me
rappelle pas le nom (quand tu te fais présenter des dizaines de personnes par
jour, tu peux pas retenir les noms). Il est super gentil, m’a demandé des
millions de fois de lui donner un ballon de foot et me salue régulièrement à
travers la grille de la maison. Lucie le connaît très bien et il connaît tous
les conseillers. En marchant avec moi…
- Madame
Catherine, ou pral vin
wè pratike foutbòl mwen nan Samdi?
-
Je vais essayer oui de venir voir ta pratique de foot… (Son entraîneur
venait de passer quelques minutes à me dire que ses joueurs n’avaient pas d’équipement
approprié et qu’il peinait à avoir des ballons).
-
Ok… Madame Catherine, Mwen pa janm manje ankò jodi an. Ou pa ka ban m 'yon
bagay?
-
… (côliss, y'a pas mangé encore, pis il mangera sûrement pas…) Ok, vient avec moi, je vais te donner une mangue. Mais tu me
promets que tu vas la manger pour être bien concentré à l’école cet après-midi.
Ok ?
-
Ok.
-
Et je ne pourrai pas t’en donner à tous les jours…
-
OK, mèsi Madame Catherine, mèsi anpil !
Y’as-tu
quelqu’un qui va commencer à se grouiller le cul et trouver de l’argent pour
que les enfants mangent avant d’aller à l’école dans ce pays !?!?!? Voilà c'est naïf et irrationnel, mais c'est dit.
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Des enfants au Carnaval à Dessalines |