Kenskoff
Le premier soir que j’étais en Haïti, Catherine et Élise,
deux autres volontaires que j’avais rencontré en formation m’ont parlé d’une
randonnée qu’elles allaient faire avec Stève, un collègue de Québec. Cette
randonnée partait de Kenskoff dans les hauteurs du département de l’Ouest, et
se rendait jusqu’à Seguin, de l’autre côté des montagnes. Certains vont même
jusqu’à redescendre de l’autre côté pour se rendre à Jacmel. La décision a donc
été prise rapidement que je me joindrais à eux pendant la fin de semaine du
carnaval national pour vivre cette aventure.
Étant donné mon historique dorsale qui a fait en sorte que
ma forme physique a été littéralement réduite à néant, je me suis d’abord
informé auprès de Stève notre organisateur, pour m’assurer d’être capable de
suivre le groupe. Extrait de sa réponse :

«
Ne sois pas trop inquiète. Comme expliqué dans les schémas, on marche
surtout sur une crête, donc ça va être quand même physique mais pas «extrême».
Et on n'est pas pressé non plus. 19 km, c'est le max. Si le départ se fait un
peu plus loin que je ne le pense, ce sera 16 ou 17 km. Une montée plus robuste
au 2/3 de la journée sur 1 km. Puis on descend les 5 autres vers l'auberge. Si
on prend 6 heures pour marcher ça, on arrivera en fin de PM, 15h30 - 16h00. Ne
t'en fais pas, si j'ai déjà été beaucoup plus en forme «dans ma jeunesse», je
le suis beaucoup moins aujourd'hui... car je traîne un bon 20 livres de trop
depuis plusieurs années, en raison de mon amour pour la cuisine!
Faque... »
C’est
donc avec détermination et malgré mon amygdalite, que nous nous élançâmes tous
les quatre sur la route de Kenskoff vers 8h45 samedi matin. Le paysage devint rapidement
pittoresque et époustouflant. La route, très mauvaise, ne permettant qu’à
quelques chauffeurs de motos-taxis téméraires de passer, nous avons croisé bon
nombre d’ânes, de petits chevaux et de femmes porteuses de gigantesques paquets
sur leurs têtes (je leur voue un culte sans bornes, mais je préfère de loin mon
sac à dos bien ajusté et la santé de mes vertèbres cervicales).
Passant
de petits villages en petits villages et admirant la culture des légumes à
flanc de montagne, nous nous sommes rapidement rendu compte, que la crête était
beaucoup plus accidentée que ce que l’image satellite ne nous l’avait laissé
entendre. La montée plus robuste au 2/3 de la journée était en fait la plus
robuste d’une bonne quantité de montées robustes… Mon orgueil en a pris un coup
à plusieurs reprises, me faisant « clencher » par des enfants, les
fameuses femmes en « Crocs » troués, portant 30 kilos de patates sur
leurs têtes et tutti quanti.

Pendant
plusieurs kilomètres, nous avons eu droit à une suite royale d’enfants que nous
croyions fascinés par notre passage (dont un arborant les couleurs du Canadien
de Montréal !!!). En arrivant à un immense dépanneur au milieu de nul
part, nous avons rapidement compris le subterfuge. Notre petit attroupement
étant en fin de compte fort habitué au passage de touristes blancs comme nous,
rêvait secrètement d’une collation. Stève a donc acheté une dizaine de gâteaux
« comparaître » (une spécialité de Jérémie dans la Grande-Anse, que
j’ai eu la chance de déguster l’an dernier mais qui dans notre cas s’avérèrent
dégueulasses). J’ai tant bien que mal tenté de mettre un peu d’ordre dans la
distribution des vivres en demandant à la douzaine de garçons de se mettre en
ligne. Peine perdue, ils se garochèrent littéralement sur Stève, certains
réussissant à obtenir plus d’une portion. Enfin bref, un enfant étant un enfant
peu importe où dans le monde, la situation me rappela des centaines d’images de
louveteaux se chamaillant pour un bout de pain sec malgré le festin qui leur
avait été servi quelques heures avant. À la différence que probablement que la
moitié de l’attroupement présent n’avait probablement pas mangé à sa faim
depuis quelques temps…


Au
bout de ladite dernière montée robuste et après plusieurs pauses plus ou moins
longues pour nous sustenter, reprendre notre souffle ou prendre des photos,
quelle ne fut pas notre surprise de tomber sur un représentant Natcom derrière
son kiosque qui vendait des cellulaires. On se serait cru dans un sketch de
Samedi de Rire…
En
redescendant un peu, nous dirigeant vers l’Auberge, nous sommes rentrés dans le
parc de la Visite, parc de conservation (du moins, ils essaient que ce le
soit…) abritant une des dernière pinède de l’île. Ça sentait bon, on se serait
cru dans le parc de la Mauricie si cela n’avait pas été des immenses agaves en
fleurs dispersées un peu partout dans la forêt. Magique !!! J’attendais
juste que des fées sortent de leurs cachettes. J’étais heureuse, l’odeur me
rappelait ce que j’aime du Québec et la chance que j’ai de pouvoir encore faire
de l’activité physique malgré les problèmes de dos qui m’ont ralenti pendant
quelques années.
En
arrivant à la très rustique mais oh combien bucolique auberge, nous avons pu
assister à un magnifique coucher de soleil avant que la maisonnette ne soit
replongée dans la brume humide de la montagne. Nous étions à 1900 mètres
d’altitude et il faisait froid. Très froid…

Après
cette première nuit emmitouflés dans des draps approximativement propres et des
couvertures aux effluves de moiteur, nous nous sommes levés pour déguster un
petit déjeuner chaud fort apprécié. Le BBQ de mouton de la veille ayant été
absorbé rapidement dans notre recherche de chaleur, les omelettes et le café
passèrent très bien. Malgré nos muscles endoloris, nous avons décidé de prendre
le sentier que remontait le ruisseau vers la cascade malheureusement à sec à ce
temps-ci de l’année. C’est donc sur un grande roche plate que nous avons passé
une partie de la journée à nous prélasser au soleil pendant que Stève faisait
son « tough » en se jetant dans le bassin glacé. Étonnant quand même
que les écarts de température puissent être aussi extrêmes.



Le
lendemain, sur le chemin du retour, nous avons pu admirer le paysage à
l’envers. La route fût un peu moins difficile, mais il serait de vous mentir
que de ne pas avouer le plaisir que nous avons eu que notre chauffeur soit à
l’heure au rendez-vous pour que nous puissions immédiatement nous écraser sur
la banquette du véhicule.
Mardi
gras a été consacré plus à l’entretien de notre gras de ventre que de nos
muscles. Marie-Josée est venue passer l’après-midi avec nous autour de la
piscine. Nous avons mangé et bu et remangé et rebu. Kampaï !
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Pêchier |
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Callas |
NB :
Ma rencontre avec YMCA-Haïti a super bien été. Un partenariat devrait se faire
pour un centre à Dessalines. Yé !
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