dimanche 22 avril 2012

Blogue 12 : Début du compte à rebours

Pardonnez-moi mon retard d’une semaine, j’ai été occupé et je trouvais que je n’avais pas assez de matière pour être consistante.

Mi-mandat

Mercredi le 11 avril a eu lieu ma réunion de mi-mandat. En fait, on avait dépassé la moitié du mandat, mais bon… Lucie était là, ainsi que tous les partis impliqués dans le projet. La discussion fut épuisante. Lucie a demandé la question qui tue : « Voulez-vous d’un service récréatif oui ou non? » Ça s’est presque offusqué qu’on insinue qu’ils n’en voulaient pas. J’ai donc déclaré que si tel était le cas, il fallait qu’ils commencent à se grouiller le derrière un peu puisqu’il ne restait qu’un mois et demi à mon mandat. Janyl a posé l’autre question qui tue : « C’est quoi un service récréatif? »

Lucie : « Ben je vais vous le dire moi, c’est quoi un service récréatif… »
Moi : « NON!!!!! Ça fait plus de deux mois que je leur demande de le définir, tu ne vas pas leur donner la réponse! »
Lucie : « Pourquoi? »
Moi : « Parce que si on le défini pour eux, ce ne sera pas leur service récréatif et ils ne continueront pas le projet. »
John Pierre : « Bon alors, il faut le définir… »
Moi : « Ben, grouillez-vous! Il reste 7 semaines! »

On a donc prévu une réunion pour le lundi suivant.

En arrivant à la réunion le lundi, j’ai distribué des feuillets pour la soirée culturelle du vendredi suivant, organisée par Manon, une conseillère volontaire de St-Marc qui est à environ 1 heure de voiture de Dessalines, sur le bord de la mer. Vendredi, on y projetterait le documentaire « 6 femmes d’exception » d’Arnold Antonin, réalisateur Haïtien réputé. On attendait d’ailleurs le dit réalisateur pour un entretient après la projection.

Moi : « Alors, si vendredi vous avez à faire à St-Marc et que ça vous intéresse, c’est gratuit et c’est à 18h. »
Fritz : « Ouais… Mais c’est un peu compliqué de revenir par contre. On ne peut pas monter dans vos véhicules? »
Moi : « Non… C’est une invitation ouverte, mais ce n’est pas une obligation, donc ce n’est pas possible de vous transporter. »
Fritz : « Ok, je comprends. »`
Le Vice-Délégué : « Est-ce que vous payez l’hôtel? »
Moi : « Pardon? »
Le Vice-Délégué : « Si on y va, est-ce que vous payez l’hôtel? »
Moi (abasourdie) : « Euh non… Je vous informe d’une activité, si vous voulez venir, vous vous arrangez avec vos troubles. » (Mais quel culot ce connards !!! Un chausson avec ça?)

Somme toutes, la réunion s’est bien déroulée. Ils ont élu Fritz comme responsable du projet (j’espérais que ce soit lui, il est fiable et motivé). On a fait un brainstorm pour définir le service, ce qui m’a permis de compléter le dossier de projet, dont je suis particulièrement fière. Jeudi, on a fait un échéancier. Mercredi, Fritz va porter le dossier au maire. Il ne nous reste qu’à espérer qu’il le signe pour qu’on puisse aller le porter dans les ministères concernés et relancer YMCA et la Minustah pour les gros projets. Bref, on a pas mal de choses à faire d’ici à juin et je suis bien contente parce que je commence à avoir hâte de rentrer, donc que je compte sur le fait que ça passera vite pour apprécier la fin de mon périple.

Grande Saline

Poisson d'eau douce
Bassin de récupération du sel















Les mononcles ont décidé que nous irions visiter Grande Saline le samedi, où la très peu propre rivière de l'Artibonite (il n'est pas rare d'y voir passer des cadavres) se jette dans la mer des caraïbes. Évidemment, dans leur grande générosité et leur galanterie, Johanne et moi nous sommes retrouvées à nous assoir dans la valise du Patrol (on avait été invitées à prendre part à l'escapade au départ, alors on avait pas priorité sur les sièges. Soit, il y a des sièges, mais il doit y faire 1000 degrés et ça fait longtemps que le mou des banquette est chose du passé. Mais en bonne scoute, je me suis résigné et ai même eu du plaisir à demander inlassablement qu'on ouvre les fenêtres plus grandes parce qu'il faisait trop chaud!!!!
La ligne brune, c'est la rivière qui se jette dans la mer.

Nous avons pu discuter avec les gens qui recueillent le sel de mer. Ils avaient toutes les jambes et les mains brûlées... Mais c'était vraiment joli!
Hôtel Rayon de lumière

Je vous ai déjà raconté l’anecdote du vivano et de la piscine qui m’avaient coûtés la peau des fesses… Vendredi de la semaine dernière, Lucie nous annonce que Gachet, le propriétaire, nous invite pour l’apéro à l’hôtel. Nous nous sommes donc rendus en fin de journée, après une marche dans les champs de légumes. Au début, nous étions trois, Johanne qui était en visite de Jacmel, Louis-Charles et moi. Nous nous postons devant la dame aux yeux de merlans frits qui m’avait demandé de payer mon accès à la piscine la dernière fois, et demandons si nous pouvons aller nous assoir et prendre un verre.

Johanne : « Est-ce que quelqu’un va venir nous servir ou on doit commander à la réception pour avoir un verre? »
La fille : « … »
Moi (en articulant très bien et en parlant fort) : « Est-ce qu’il y a quelqu’un au bar pour nous servir un verre ou si c’est plus simple de commander ici? »
La fille (en marmonnant) : « Non, je vais aller. »
Moi : « O-K, M-E-R-C-I! »
Je sais c’était baveux, ça m’arrive des fois.

Dix minutes plus tard, la fille se pointe et va s’installer derrière le bar. Le gardien de sécurité (!?!?!) vient prendre notre commande.

Johanne : « Je vais prendre un rhum punch. »
Le serveur/gardien : « Je vais voir si on en a. »

Il revient.

Le serveur/gardien : « On a pas de rhum punch. »
Moi : « Avez-vous du rhum sour? »
Le serveur/gardien : « Un instant, je vais voir… »
Johanne : « Non, attendez… Dites-nous ce que vous avez, ça va être plus simple comme ça. »
Le serveur/gardien : « Un instant, je vais voir… »
Nous : « … »

Tout ce temps, la fille est accotée sur ses gros totons déposés sur le comptoir qui est à 3 mètres de nous et elle ne dit rien.

Moi : « Vous avez du jus d’ananas? »
Le serveur/gardien : « Oui. »
Moi : « Je vais prendre un verre de jus d’ananas et un verre de rhum 3 étoiles. »
Johanne : « Moi aussi. On va faire le mélange nous même. »
Le serveur/gardien (commençant à avoir des sueurs froides) : « Voulez-vous qu’on fasse le mélange nous-mêmes? »
Nous : « NON !!!! »
Le serveur/gardien : « Ok. »
Louis-Charles : « Regarde, moi je vais prendre une bière Prestige, ok? »
Le serveur/gardien : « Ok, ça on a… »

5 minutes plus tard, il revient avec la bière de Louis-Charles.

Le serveur/gardien : « Voulez-vous de la glace avec le rhum? »
Moi : « Oui, à côté. »

Et première chose qu’on voit, c’est le gars et la fille qui repartent vers la réception.

Johanne : « On a merdé en demandant de la glace… On aura jamais nos drinks. »
Moi : « Je pense qu’ils sont partis cueillir l’ananas et fabriquer le rhum. »
Louis-Charles : « Moi, ma bière est ben bonne! »

20 minutes plus tard… Ils reviennent, avec nos verres de vrai jus d’ananas frais!!!!

Le serveur/gardien : « On a plus de rhum 3 étoiles. »
Moi : « Mais le 5 étoiles est beaucoup plus cher et on ne l’appréciera pas noyé dans le jus. »
Le serveur/gardien : « … »
Moi : « On va prendre le 5 étoiles au prix du 3 étoiles! »

On a fini par avoir tous les ingrédients pour notre mixte de drink. Il y avait au moins 3 onces de rhum dans le verre et le jus frais était savoureux, mais au niveau du service à la clientèle, n’importe quoi prise 2!

Finalement, Gachet est arrivé et les autres se sont joints à nous. Il nous a offert moult autres drinks ainsi que des bouchées. Nous avons discuté marketing, avenir du pays et il m’a dit que je pouvais aller me baigner dans la piscine quand je voulais, à ses frais! Chose que je n’ai pas encore faite, car merlans frits me fait un peu peur avec ses gros totons.

Arnold Antonin

Vendredi soir, nous sommes partis Lucie, les quatre mononcles et moi pour St-Marc afin d’assister au visionnement du film « 6 femmes d’exception ». Malheureusement, une très déçue Manon a dû nous annoncer que Monsieur Antonin avait dû annuler sa présence à cause de problèmes de santé. Le documentaire était fabuleux. Je vous le recommande. C’est l’histoire de six femme Haïtiennes de plus de 80 ans qui ont été des pionnières en matière d’émancipation de la femme dans ce pays qui a encore beaucoup de chemin à faire.

Après, nous sommes allés manger au restaurant Villanne Marie. C’était agréable. Carole, une amie de Gilles, le coordonateur de St-Marc était là. Une femme géniale, pleine d’énergie, qui a ouvert un centre de sensibilisation pour le diabète pour les gens de milieu défavorisé. Physiquement et mentalement, elle me faisait penser à Annie, l’amie de mes parents amoureuse de Airedale. J’aurais passé des heures à l’écouter parler. Son énergie donnait envie de faire de grandes choses. Vraiment, une très belle soirée.

Fedex

Naïka, la fille de Fedex
Fedex, un de nos chauffeurs, nous a invités à dîner samedi chez lui. Très joli terrain, paisible même si situé au centre-ville. Nous avons mangé du riz au lalo. Sa fille de 7 ans, Naïka nous a tenu compagnie. C’était agréable d’être invité chez un Haïtien et de manger à sa table.

Je sais pas pourquoi je fais cette face là...















Voilà pour cette semaine! Il ne reste plus beaucoup de temps… J’espère avoir encore de belles aventures à vous partager d’ici la fin.



Fedex, son terrain, sa maison




jeudi 12 avril 2012

Blogue 11 : Un peu de couleur!


La petite fascinée par mes veines
Photos du dernier Blogue

Fedex notre chauffeur, dans son jardin









Les enfants qui m'ont bien salis la semaine dernière














Pâques

Après de nombreuses semaines d’organisation (d’échecs d’organisation en fait) nous avons décidé, un groupe de onze coopérants du programme, de nous rassembler à Jacmel pour la fin de semaine Pascal. Après une épuisante réunion avec mes partenaires, je me suis donc mis en route pour St-Marc, d’où je partirais avec Manon et Stéphanie pour Port-au-Prince. Les quatre mononcles qui habitent Dessalines avec moi ont décidé de passer la fin de semaine tranquille dans notre palpitant trou. Tant mieux pour eux, pour moi il n’en était pas question!

En arrivant à Port-au-Prince et après avoir encore raté l’occasion de prendre des photos d’affiches commerciales plus farfelues les unes que les autres (Père Noël Loto ou Noune Salon de Coiffure), nous avons pu nous jeter dans la piscine du guest et nous faire bronzer au soleil. Oui, les gens sont un peu limités à PaP car ils ont l’interdiction de marcher dans la rue, mais est-ce que je préfère être emprisonnée au paradis ou libre dans un trou… Je suis en réflexion à ce sujet, je vous reviens là-dessus.

Un peu plus tard dans l’après-midi, je me suis rendue au super marché Giant avec Catherine, Manon et Stéphanie. Catherine et moi avions la mission d’acheter les denrées pour le brunch de Pâques ainsi que notre part du vin et fromage de vendredi soir et notre lunch pour le BBQ qui aurait lieu quelques heures plus tard. Je me suis donc choisi un t-bone pour le BBQ et nous avons acheté les ingrédients pour préparer un brunch digne de chez Cora. Pour le vin et fromage, nous avons décidé d’acheter des pâtés en plus des fromages.
 
Catherine : - Heuuu… Y’a des pâtés en canne…
Moi : - Ouin… Paris Pâté ça fait pas trop vin et fromages…
Catherine : - Ouin… Y’a des rillettes à 8$.
Moi : - Ah, c’est bon ça. Hey… Y’a du foie gras!!!
Catherine : - À 30$, c’est un peu exagéré…
Moi : - Mais non, tcheck ça, y’en reste un bloc de 200 grammes à 12$!
Catherine : - …
Moi : - …
Catherine : - Penses-tu qu’il est encore bon?
Moi : - Il expire en mai 2013…
Catherine : - Ha! C’est Pâques!!!

Sur ces mots que ma grand-mère aurait probablement prononcés elle aussi, nous avons pris la canne de foie gras. Et à chaque item que nous avons choisi par la suite, nous nous répétions « Ah! C’est Pâques! » le sourire aux lèvres. En bout de ligne, ça nous a coûté 150$, mais bon « C’était Pâques! ».

Et oui, Amélie j'ai joué les aventuriers
à la guitare électrique!
Le BBQ fut un succès. Mon t-bone était un peu raide, mais c’était un t-bone sur le BBQ alors j’étais quand même contente. Anthony, un des chauffeurs de Port-au-Prince est débarqué avec deux copains musiciens et ils nous ont fait un beau spectacle. Nous avons dansé, bien ri et bien bu (honte à nous, c’était encore le Carême!). J’ai fini par accepter de danser avec un des musiciens, ceux qui me connaissent bien sauront combien j’apprécie danser avec des inconnus (sentir le sarcasme dans mon ton de voix, svp) mais bon, j’allais pas le kicker dans face non plus! Pendant la danse, qui n’avait rien d’inapproprié soit dit en passant :

Le musicien : - Les Québécois sont géniaux!
Moi : - Heu, oui bien sûr…
Le musicien : - J’aimerais aller tourner un vidéo-clip au Québec! On pourrait célébrer le Québec dans ce clip!
Moi : - Hum… Mais c’est de la musique haïtienne. Comment comptes-tu célébrer le Québec? Tu ne serais pas mieux de célébrer Haïti?
Le musicien : - … J’aimerais bien marier une Québécoise…
Moi : - Aaaaahhhh… heuheuheu… (Me semblait aussi qu’on en viendrait à ça!) Ben écoutes, je te souhaite bien de rencontrer l’âme sœur un jour… (Imaginer mon sourire « fake ».)
Le musicien : - C’est la dernière chanson… Et ça parle du dernier baisé…
Moi : - Hinhinhin… Ouais c’est ça… Tiens, mon amie m’appelle… Ciao!

À 8h le lendemain matin, toutes un peu barbouillées, nous nous mettons en route vers Jacmel dans deux véhicules. La route vers Jacmel est, comment dire… Imaginez une route sinueuse dans les montagnes, pis ben c’est ça la route de Jacmel. Je n’ai pas le mal des transports en général, mais là disons que je regrettais ne pas avoir un stock de Gravol dans ma sacoche.

Papier mâché à La Colline Enchantée


Plage à Jacmel
3h30 plus tard, nous sommes devant le guest des coopérants du PCV à Jacmel. Un somptueux domaine plein d’arbres sur lequel sont construites trois maisons. Nous nous sommes répartis dans les chambres libres et avons décidé de partir en deux groupes. Certaines (j’utiliserai le féminin Jonathan n’étant pas la majorité visible) d’entre nous décidèrent de passer l’après-midi à la plage. Pour ma part, je suivi le groupe qui voulait aller manger à la colline enchantée, une jolie petite auberge en haut d’une colline avec vue imprenable sur la vallée de Jacmel et la mer. Après le repas, nous sommes allés rejoindre les autres à la plage. J’ai passé 1h30 à jouer dans les vagues de surf avec Jonathan et Élise. J’avais l’impression d’avoir 8 ans et j’étais crevée après.

Raras
En revenant vers la maison, nous avons croisé les RaRa qui festoient pendant tout le Carême et arrivent à l’apogée des fêtes la fin de semaine de Pâques. Ce sont des genres de bandes à pieds qui dansent et font de la musique en marchant d’un village à l’autre (je crois que ça vient de la culture Voodoo). Alors, laissez-moi vous dire que quand 30 groupes de RaRa se rencontrent à une intersection, ça fait un méchant blocus. Et ici, ils ne barrent pas les rues pour les événements. Alors t’es dans ton char et t’attend… Pis des fois c’est long! On a fini par se sortir de là, ce fut comment dire… Instructif!

Enfants se prenant pour des Raras









Catherine et moi avec notre bloc de Foie Gras

Le soir, nous avons fait le fameux vin et fromages sur la terrasse de la grande maison. Stéphane notre chauffeur s’est préparé une assiette. Il a mangé des rillettes et du foie gras mais rendu au fromage il s’est levé et nous a déclaré qu’il allait se chercher à souper en ville. Ça nous a bien fait rire. À part la Vache qui Rit, le fromage ne fait pas partie prenante de l’alimentation des Haïtiens. Pas grave, on en a eu plus pour nous.

Samedi matin, pain doré à la Catherine (J’ai pensé au petit louveteau qui m’avait aidé à en faire un matin de camp… Est-ce que c’était Raphaël Amélie?). Faute de sirop d’érable, nous avons fait un genre de sucre à la crème au beurre. On fait bien pitié en Haïti, vraiment!

Bassin Bleu













Pour le reste de la matinée, Bassin Bleu! Malheureusement, il avait plus deux jours plutôt et il faisait nuageux, mais avec les photos, je suis certaine que vous pourrez imaginer combien c’est joli quand c’est vraiment bleu. Nous nous sommes amusés en masse à sauter de la chute (75’ de profondeur, pas d’inquiétude parents!). J’ai failli perdre mon maillot quelques fois, mais heureusement, j’ai été plus rapide que le courant!
Remarquez les pitounes sous la chute!
 

















Technique pour changer de vêtements









En après-midi, je me suis retrouvé, je sais que ça vous surprendra tous, dans le groupe qui magasinait des souvenirs dans Jacmel. Forte de mes habitudes (c’est de la faute de ma grand-mère qui m’a transmis le goût des jolies choses et le plaisir de faire plaisir!) j’ai acheté des choses. Chez Moro, un artiste vraiment « flyé » de Jacmel, voici la conversation que nous avons eue avec sa femme :

La femme : - Alors, vous êtes avec quel organisme?
Sophie : - Le programme de coopération volontaire canadien.
La femme : - Et vous êtes tous de Jacmel?
Sophie : - Jonathan et moi oui et les trois là sont à PaP et les deux là à St-Marc.
La femme en me regardant : - Et vous?
Moi : - Je suis à Dessalines.
La femme : - Bah quoi, le programme vous a punie ou quoi?????
Moi : - …
Les autres : -Ouahahahahaha!

La femme a aussi donné un cours d’esthétique capillaire à Jolianne qui a dû se sauver pour ne pas qu’elle lui mette de son rouge-à-lèvres corail.

La femme (à moi) : - Allez, je te le laisse et quand elle se retourne, tu lui mets le rouge à lèvre! Elle sera beaucoup plus jolie comme ça!
Jolianne : - J’en veux pas de rouge à lèvres.
Moi : - Mets-en là, elle va arrêter de te gosser pis tu l’enlèveras après!
Jolianne : - NON! Y’en est pas question!!!

Et la femme de continuer à me faire signe… Mais c’est vrai que corail n’était pas du tout dans la palette de Jolianne!

Sophie demande à la femme si elle pense que son mari accepterait de lui faire des boucles d’oreilles en papier mâché en forme de papillon, mais roses en noires.

La femme : - Chéri, tu as entendu la demande de la jeune fille?
L’artiste : - Ouais… Je vais penser à ça… Ça va dépendre si j’en ai envie. Je ne travaille pas sur commande moi! Je suis un artiste et je suis chiant!!!!
J’ai eu envie de remettre les boucles d’oreilles et la bague trop chers que j’avais choisie, mais ça m’avait pris 30 minutes et je ne voulais pas regretter. Et puis bon, je n’en suis pas à un artiste chiant près!

Jolianne avec La Doris que j'ai acheté et
Madame Charlotte, la pro du marketing!
Dans une autre boutique, Jolianne et moi avons acheté de très jolis accessoires décoratifs à Madame Charlotte qui finance une école de métiers pour femmes avec son art. Une fois nos paquets emballés et notre argent dépensé, elle regarde Corinne, Sophie et Jonathan qui n’avaient rien acheté et leur dit : « Ah mais, vous ne pouvez pas sortir d’ici les mains vides ! ». Et elle leur donne à chacun une jolie sculpture en pierre à savon. Jolianne et moi nous regardons béates. Jolianne lui demande donc si nous aussi pouvons avoir un cadeau, étonnée Madame Charlotte nous répond : « Mais vous n’en avez pas besoin! Vous avez acheté des choses déjà! ». On a pas tous la même notion du marketing ça l’air!

En soirée nous avons décidé d’aller manger au restaurant. Tâche plutôt complexe en gros groupe et selon les goûts culinaires de tout un chacun. Après une première tentative ratée, nous nous sommes installés à la terrasse du Chandelier. Après 10 minutes à regarder le menu, la dame vient prendre nos commandes.

Johanne : - Je vais prendre du poulet.
La serveuse : - Y’a pas de poulet.
Johanne : - Ok… J’aime pas le cabri.
La serveuse : - Y’a pas de cabri.
Johanne : - Ok… Les crevettes…
La serveuse : - Pas de crevettes…
Johanne : - Ok ben, dites-nous ce qu’il y a et on va choisir à partir de là. Ça sert à rien sinon le menu!

Nous avons presque tous pris du homard en sauce ou du poisson et ce n’était pas mauvais du tout. Nous avions remarqué qu’au fond de la terrasse, les tables étaient dressées pour une réception de mariage, le très élaboré gâteau colonial trônant au milieu. Vers la fin de notre repas, nous avons eu droit à la procession (tout le monde était dedans, une chance que nous étions là parce que personne n’aurais vu les mariés arriver). Puis, nous avons assisté à ce qui m’a semblé être la plus ennuyante réception de mariage de l’histoire de l’humanité. La musique la plus déprimante jouait à tue tête pendant que tout le monde se faisait prendre en photo sur une scène. Les invités sortaient un à un avec leur morceau de gâteau sur une assiette en styromousse enveloppé d’une serviette de papier. Note à moi-même : si jamais je me marie, ne pas envelopper les morceaux de gâteau dans des serviettes de papier. 


Chocolat de Pâques Nic Gauvin et le
très scrap Jonathan!


Après le souper, nous nous sommes dirigés au Belvédère, LA discothèque de Jacmel. Nicolas Gauvin est venu nous rejoindre avec sa gang de la Croix Rouge. Le rhum était de la fête et heureusement, le compas en minorité.

Un mal de tête plus tard (ou deux dans le cas de Jonathan), nous avons préparé notre somptueux brunch de Pâques (que Jonathan n’a pu apprécier). Crêpes accompagnées de caramel à l’érable à la fleur de sel que j’avais apporté du Québec, omelette, bacon, re-fromage, re-foie gras, fruits et mimosas pour les téméraires (mais pas Jonathan). Pour dessert, j’avais acheté une énorme bar de chocolat Lindt. J’ai proposé de la cacher dans le jardin pour faire une chasse de Pâques, mais je ne sais bien pas pourquoi, tout le monde m’a regardé avec un drôle d’air! Hmmm…

Souper au Karibe




Nous avons repris le chemin de Port-au-Prince en début d’après-midi. En soirée, Élise, Catherine, Johanne et moi sommes allées manger au restaurant du Karibe, le plus bel hôtel d’Haïti. Vraiment superbe endroit. Cuisine ordinaire et plats dispendieux, mais on a eu du fun quand même!




Crème Glacée Dulce de Leche vert guano



 Bref, super fin de semaine! Je me suis éclatée. Ça a fait du bien de changer d’air et d’être avec de nouvelles personnes aussi. J’aime bien Haïti finalement! J’entame officiellement la deuxième partie du mandat. Neuf semaines et demi de passées, il en reste sept et demi. J’ai du pain sur la planche et plein d’endroits fabuleux à découvrir encore!




Notre groupe de joyeuses luronnes de Pâques
Édifice à Jacmel




Papier mâché


Mur en mosaïques à Jacmel


"Lovely", le chien qui nous squatte à Dessalines .
Laid, mais tellement sympathique




mardi 3 avril 2012

Blogue 10 : Pratiquer le détachement (avertissement : cœurs sensibles s’abstenir)


Cette semaine je serai brève et je ne mettrai pas de photos car je ne veux pas risquer tout perdre dans un ordi qui ne m’appartient pas. Car oui, ce que je redoutais le plus s’est produit… Mon fidèle MacBook a rendu l’âme mardi soir le 27 mars vers 18h30. Dieu garde son âme (comme ils diraient ici). Mon père m’en envoie un autre par un employé du CECI la semaine prochaine (et j’en ai profité pour faire ajouter un autre maillot de bain!), mais d’ici là, mes photos restent dans mon appareil!!!

Mercredi passé, je rentre chez Lucie ma coordonatrice. Elle semble bouleversée. Elle est très impliquée dans la communauté. Me connaissant, j’imagine que je ferais pareil si j’étais ici depuis deux ans. Au coin de la rue, il y a une femme qui casse des roches. Elle vit dans la rue. Elle a vraissemblablement des problèmes de santé mentale. Et elle a des enfants qu’elle s’est fait faire pour quelques gourdes (argent haïtien), par des hommes des alentours. Peut-être ceux qui vivent au coin de la rue avec elle, elle ne s’en souvient plus. Certains de ces enfants sont morts, d’autres ont trouvé de la parenté pour les accueillir. En ce moment, elle en a deux avec la femme. Un garçon d’à peine 2 ans et une petite fille de 4 mois et demi. Lucie a payé une opération au garçon l’année dernière. Une hernie, ses intestins lui descendaient dans les testicules. Il va devoir se faire réopérer car ça a recommencé. La petite rit beaucoup et elle est mignonne comme tout, malgré les petits boutons et les champignons qui lui poussent un peu partout sur le corps.

Lucie se met à m’expliquer que dans l’après-midi elle entendait hurler au coin. Il y avait un attroupement de gens… La femme tenait la petite de 4 mois et demi par les pieds et la battait à grands coups du revers de la main. Quand elle a vu Lucie, elle a posé l’enfant et s’est enfuie. Lucie a ramassé l’enfant qui hurlait et l’a emporté chez elle. Elle l’a lavée et l’a calmée, comme elle le fait souvent. Quand elle a retrouvé la femme, elle lui a demandé pourquoi elle s’était enfuie. La femme lui a répondu qu’elle avait peur qu’elle la batte. Lucie lui a répondu que personne ne devait battre qui que ce soit et elle lui a demandé pourquoi elle avait eu l’idée de battre le bébé. Elle lui a répondu qu’elle avait raison, qu’il valait mieux battre le garçon, que c’était lui qui lui causait des problèmes. Lucie lui a dit qu’il ne fallait battre personne. Que quand elle sentait qu’elle pétait les plombs, il fallait lui apporter les enfants.

Le lendemain de l’incident, la petite s’est retrouvée à l’hôpital. Elle hurlait de douleur, son petit bras était tout enflé. La femme a expliqué à Lucie qu’elle l’avait échappée. Les radiographies n’ont pas révélé de cassure. Lucie est allée acheter un siège de bébé. Au moins, la femme pourra déposer le bébé dedans quand elle pogne les nerfs.

Ici, il n’y a pas de DPJ. Il n’y a pas de ressources pour les itinérants, pas de travailleurs de rue, pas de CLSC, pas de travailleurs socials. Et l’adoption internationale est fermée parce que ce n’est pas assez contrôlé et que les cas de vols d’enfants sont trop fréquents depuis le tremblement de terre. Les gens se ferment les yeux. Que peuvent-ils faire, han? C’est ce qu’un ami de Lucie lui a dit. Et elle de répondre :

« Vous passez votre temps à prier Dieu, mais vous n’êtes pas capables de vous occuper de vos paires. Dieu, il ne fera rien pour ces enfants, mais vous, vous pouvez!!!! »

Elle a raison. Je l’admire. Mais je me questionne à savoir si tout cela est bien sain. À un moment donné, c’est vrai. Qu’est-ce qu’on peut faire? Mais est-ce qu’on peut vraiment rester là à ne rien faire? Je pense (et c’est ma propre analyse, je ne me suis pas documenté), qu’à force d’être entouré de ces situations, quand on a toujours grandi là-dedans, on fini par ne plus voir. Pas parce qu’on se ferme les yeux, pas parce qu’on s’en fout, mais juste parce que c’est l’habitude. Comme un acouphène ou un mal de dos ou l’arthrite… Ça fait mal, ça nous empêche de fonctionner à plein régime, mais on fini par s’habituer, on arrête d’en parler, on vit avec. Parce que c’est comme ça, et qu’est-ce qu’on peut y faire? Han? Alors, on se détache et on continue notre chemin.

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À tous les jours, je me fais demander de l’argent, de la nourriture, des ballons. Souvent de façon agressive, mais parfois gentiment.

Le garçon (d’environ 9 ans) : - Madame Catherine, bonjour!
Moi : - Bonjour timoun! (Il connait mon nom, je ne me rappelle pas de lui…)
Le garçon : - Ça va bien madame Catherine?
Moi : - Oui et toi? (Mais il est donc bien poli cet enfant! Pas de BLANC, J’ai faim, Give me one dollar!?!)
Le garçon : - J’ai vu un ballon au marcher. 50 gourdes. Si je vais avec vous, vous pourriez me l’acheter pour que je joue avec mon ami?
Moi : - Timoun, si je t’achète un ballon, je vais devoir en acheter un à ton ami, et à l’autre là-bas et à la petite fille en face et tous les enfants vont venir me voir pour avoir un ballon. Je ne peux donc pas t’acheter un ballon.
Le garçon : - Je comprends, vous avez raison Madame Catherine.
Moi : - Ok, bonne journée! Désolée…

Ouais, désolée… Je me sens un peu comme de la merde depuis que je lui ai dit non… Pratiquer le détachement…
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Mon mandat stagne toujours. Je suis là pour structurer quelque chose qu’on arrive pas à me définir. Je soutiens que ce n’est pas à moi à tracer les grandes lignes du projet car si je le fais, le projet ne sera pas à leur image et ne sera donc pas viable. Un moment donné je dois pratiquer, là aussi, le détachement.

En bout de ligne, et je pourrai en reparler dans deux mois car je suis à la moitié de mon mandat, je pense que l’expérience, quoi que difficile, aura été des plus enrichissantes. Mais une chose est certaine je constate pendant mon séjour haïtien, d’autres injustices de la vie. Cela dit, ici on les a dans la face ces injustices, mais je peux vous garantir qu’il y en a autant chez nous, c’est juste qu’elles sont souvent cachées ou déguisées. Je parlais de la grève des étudiants à un de mes partenaires hier. Il a étudié en journalisme à l’université et enseigne dans une école primaire pour un salaire de merde. Il est très conscient de la puissance économique du Canada et du confort que nous avons chez nous. Cependant, il a trouvé inacceptable ce qui se passe au Québec et m’a lancé un « Mais la force d’une nation passe par l’accès à l’éducation pour tous!!! » qui m’a fait chaud au cœur. Et Dieu sait qu’il y a un sérieux problème d’éducation ici!

Cela dit, j’y repense et me questionne… Est-ce qu’ils se ferment vraiment les yeux ou ont seulement une manière plus optimiste d’aborder les épreuves? Je ne sais pas… Probablement un peu des deux!