lundi 5 mars 2012

Blogue 6: Mon mandat


Ça fait longtemps que je ne vous ai pas parlé de mon mandat… J’ai hésité longtemps, mais à lire les quelques commentaires me disant que je semble vivre une expérience palpitante et extraordinaire, je me suis dit qu’il fallait que je remette les pendules à l’heure. Oui, c’est vrai mes journées de congé sont toujours palpitantes. Il fait chaud (de plus en plus), il fait beau, c’est joli comme tout Haïti et les gens sont sympathiques pour la plupart. Mais attention, je ne suis pas en vacances, je travaille. Non, non, je vous entends protester : « Ouais, ouais, c’est ça tu travailles ». En tout cas, une chose est certaine, j’essaie tant bien que mal de travailler. Parce que c’est loin d’être évident à tous les jours.

C’est que voyez-vous, quand un coopérant arrive dans une organisation, tout le monde est content. Yé! Il ou elle va venir nous aider à mieux travailler, à nous organiser, à apprendre de nouvelles choses… Mais trop souvent, la partie « va venir nous aider » est oubliée et cède la place à « va faire les choses à notre place ». Je ne veux pas généraliser parce que beaucoup d’Haïtiens ont toute la volonté du monde. Ils en on leur claque de ne pas avoir de travail, d’argent pour donner à manger à leurs enfants, que le système d’éducation cloche et que le gouvernement s’assoie sur son steak et ne travaille pas pour le bien du peuple. Mais comme je le disais, trop souvent, ce n’est pas la volonté qui cède, mais juste l’habitude que les blancs débarquent pour faire les choses à leur place et ça, ça ne mène à absolument rien.

Samedi, on avait organisé une table ronde pour avoir l’opinion de jeunes de 18 à 25 ans. Nous voulions savoir s’ils avaient des idées ou des désirs par rapport aux services récréatifs. J’avais tout organisé avec trois autres messieurs (prendre note de la structure de ma phrase). Nous avions rendez-vous à 9h30 au Centre de lecture et d’activités culturelles que le directeur avait gentiment accepté de nous prêter puisque c’est un organisme qui vise surtout les jeunes. À 9h40, je lui téléphone :

-       Dunel, c’est Catherine, est-ce que tu arrives bientôt pour nous ouvrir la salle?
-       Mais, mais… C’est lundi après-midi qu’on a une réunion!!!
-       Oui, mais ce matin c’est la table ronde.
-       Ouais, ouais, j’arrive.

À 9h45 mes deux autres co-animateurs de la journée arrivent (l’animateur scout était à l’heure lui!). À 10h, heure du rendez-vous, toujours pas de jeunes. Je me mets à jaser avec deux ados qui pratiquaient leur anglais sur le parvis du centre.

-       Boys, would you care to join us in a discussion on the recreative services of the town of Dessalines?
-       What?
-       On va donner à dîner après.
-       Oh!!! Yes, yes, very interested!

Me semble ouais…

À 10h15 John Pierre vient me voir.

-       Je suis fâché.
-       Bah, c’est pas grave, je sais que c’est souvent comme ça en Haïti! Les retards et tout… (j’essaie, vraiment…)
-       Non, tu ne comprends pas. Océan avait oublié, il n’a convoqué aucun jeune de la plateforme… (103 organisations de jeunes font partie de la plateforme et en plus c’était Océan qui avait pris le PV de notre réunion précédente. Bravo!)
-       (Tabarnak) C’est pas grave, on a des scouts, on a des jeunes de la brigade et on a mes deux pseudo-anglophones. Et on va aller voir dans la bibliothèque si y’a pas d’autres personnes.

Douze personnes plus tard (on en attendait entre vingt et vingt-cinq), on a réussi à faire notre table ronde. Mais j’ai réalisé que, et encore là je ne peux pas généraliser, c’est difficile de demander à des jeunes d’avoir des idées, de développer leurs propres opinions, parce que ça ne fait pas partie de leur éducation. À l’école, ils apprennent en répétant des dizaines de milliers de fois ce que l’instituteur leur dicte. Ils ne commencent à réfléchir vraiment que rendus à l’université. Et encore faut-il qu’ils s’y rendent…

Plus tôt cette semaine, John Pierre qui est un entraîneur de foot et surtout un homme à tout faire  de métier, m’a amené rencontrer Sœur Christine qui est une religieuse d’une communauté d’Ottawa qui vit ici, à Dessalines, depuis maintenant 40 ans. Elle est directrice du collège Ste-Claire, une magnifique école primaire de plus de 1000 élèves. Elle me racontait ceci :

-       Avant nous avions une école de métiers professionnels. Nous avons dû fermer.
-       Pourquoi, vous manquiez de professeurs?
-       Non, nous n’avions pas assez de clientèle pour faire rouler les classes.
-       ???
Mon plus fiable partenaire John Pierre
-       Les jeunes ici, ils décrochent souvent du secondaire parce qu’ils n’ont pas l’intention d’aller à l’université. Soit parce qu’ils n’ont pas d’assez bonnes notes, mais souvent parce qu’ils n’auront pas les moyens financiers d’y aller. On leur proposait donc d’apprendre un métier, ce qui est beaucoup moins long et moins coûteux. Malheureusement, les jeunes se disent plutôt « Pourquoi apprendre un métier si de toute manière je n’aurai pas d’emploi? Aussi bien glander, c’est beaucoup plus amusant! ».

Et John Pierre d’ajouter :

-       C’est vraiment décourageant…

Eh boy…

Des jeunes à la table ronde
Cela dit, on a fini par soutirer quelques belles idées à nos jeunes de la table ronde : des fresques sur les murs du terrain de foot (mettons que je les ai aidé avec celle-là), un orphelinat pour les itinérants, un cybercafé, des professeurs de musique qualifiés, des échanges avec des équipes de foot de l’étranger… Au moins on aura essayé, mais je vais maintenant devoir mettre les points sur les « i » avec les partenaires. Je vais changer ma technique… Je ne vais plus rien organiser. ILS vont organiser des choses et m’y inviter. Ensuite, je leur donnerai mes impressions et les points qu’ils ont à améliorer. PÉ-DA-GO-GIE! J’espère que je ne serai pas en congé trop souvent avec cette technique… Je commence à connaître tous les recoins de la maison par cœur!


Table ronde 18-25 ans (et un peu plus...)


D’autres anecdotes cocasses :

Dimanche, les coopérants de St-Marc sont venus passer la journée. Nous sommes allés marcher dans les champs de légumes et sommes montés un peu dans la montagne (je ne me suis pas rendu au fort, j’avais trop chaud). En chemin, nous croisons des enfants qui jouent sur le bord d’un cours d’eau.

-       BLANC!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
-       Oui, timoun!

Mais merde, avec quoi ils boivent leur eau!?!?!?!? Noooooon…

-       Timoun, je peux vous prendre en photo?
-       VOUIIIIIIIIIIIIIIIII!!!!

Voir la photo ci-dessous. Oui, oui vous voyez bien, c’est avec ÇA qu’ils buvaient de l’eau!!!!!



Piscine de l'hôtel!
Ensuite, nous sommes allés dîner à l’hôtel. John avait commandé des plats de vivano. Ce n’était pas très bon. Toute contente qu’il y ait une piscine, je demande à l’employée de l’hôtel si je peux me baigner puisque nous mangeons là. Elle me dit oui. Quand nous sommes arrivés pour payer, non seulement ça nous avait coûté une fortune pour un repas vraiment moyen et du vin blanc chaud, mais en plus, ils n’avaient pas de monnaie et j’ai dû payer un supplément pour la baignade! Je vais continuer à prendre des douches.





Conseillers volontaires de Dessalines et St-Marc
(j'ai un problème avec mon appareil photo, les gens à gauche sont toujours flous...)

Samedi soir, je m’emmerdais un peu. J’ai donc décidé de me faire une soirée cinéma avec moi-même. J’ai emprunté un film à mon co-loc en me disant que j’étais aussi bien d’en profiter avant qu’il parte la semaine prochaine. Et là, j’ai ouvert l’armoire en me demandant la question qui tue : Est-ce que je me fais du pop corn avec beaucoup de beurre ou si je me bouffe la boîte de Kraft Dinner que je gardais pour les cas d’urgence!?!?!?!? J’ai opté pour le Kraft Dinner en me disant que c’était beaucoup plus équilibré comme souper. J’ai bouffé la boîte au complet, couronnant le tout avec du chocolat aux amandes (ceux qui pensaient que j’allais perdre du poids pendant mes quatre mois, oubliez ça!). J’ai même réussi à oublier que j’étais en Haïti pendant un moment. Ça m’a fait du bien de décrocher un peu!

NB : Pour ceux et celles qui étaient déçus de ne pas avoir de preuves, je retourne au Club Indigo dimanche prochain. Promis que je prend des photos s’il y a encore une exposition de pectoraux!

Ce qu'il reste de la maison de l'Empereur Dessalines.
On dit que ces maisonnettes étaient construites à l'intérieur
de la plus grande maison et qu'on y tramait des choses pas
toujours très "catholiques"...









Rue Dessalinienne

Six forts avaient été construits par l'Empereur pour protéger la ville des assauts Français et Espagnols. En voici quatre.
Dimanche, jour du Seigneur est aussi jour de blanchissage.




À mi-chemin vers le fort le moins haut. La vue est quand même jolie!

La Source (plus d'infos quand je visiterai)


            

1 commentaire:

  1. Très intéressant ton blogue. C'est drôle, j'ai visité une école de religieuse qui m'ont raconté exactement la même chose, la semaine passée : elles ont mis des annonces partout, annoncé leurs cours de FTP dans les radios, les églises, sur des affiches, etc. et elles n'ont pas eu suffisamment d'inscriptions pour offrir le cours.

    Et pour les condoms, encore là ! C'est fou, j'en vois partout, mais ils semblent rarement utilisés pour la bonne raison !

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